Soutenance de thèse de Clara De La Hoz Del Real
« Conséquences des déplacements temporaires associés aux catastrophes : de la fragmentation de l'identité sociale à la production d'une condition sociale liminale. Etude de cas de l'expérience de déplacement des habitants de Campo de la Cruz suite à la Ola Invernal de 2010-2011 en Colombie »
Lundi 29/11/2021 à 15h
Salle des thèses, Bâtiment d'Alembert, (5 Boulevard d'Alembert, 78280 Guyancourt)
Également en visio
Mots clés : déplacement par catastrophe; catégories « stigmatiques »; identités sociales; liminalité; représentations sociales
Résumé : Chaque année dans le monde, des millions de personnes se retrouvent « déplacées » à l’intérieur de leur pays suite à une catastrophe. Ces déplacements sont souvent envisagés comme des migrations de courte durée, à faible distance et conclus par un retour des populations. Les analyses académiques et politiques dominantes centrent leur attention sur les aspects matériels associés à la survie des déplacés en négligeant les répercussions sur la vie sociale de ces personnes pendant le déplacement. La présente recherche adopte un angle différent et s’interroge sur la manière dont le déplacement temporaire impacte les interactions, les relations et les positions sociales et sur les conséquences que cela entraîne sur l’expérience même. En empruntant une approche constructiviste de la théorisation enracinée, cette recherche prend comme point de départ une perspective sociologique des identités sociales pour examiner l’expérience concrète du déplacement des habitants de la commune de Campo de la Cruz, en Colombie, suite à une inondation massive en 2010. L’analyse montre que le déplacement, dans sa configuration temporelle réduite, est un processus qui implique une altération des identités sociales des « déplacés ». La catastrophe détruit le matériel et, avec le déplacement qu’elle cause, elle provoque la déstructuration des rôles et des positions des individus au sein de leurs groupes de référence. Les déplacés arrivent dans les territoires de destination dans le plus grand dénuement tant matériel que social, dépendants d’un système d’aides dans lequel ils sont contraints de s’insérer pour survivre. Dans ce contexte, de nouvelles interactions émergent entre les organismes en charge de distribuer ces aides à l’intérieur des espaces qui deviennent des espaces de survie, les déplacés et les résidents historiques des territoires de destination. Cette recherche s’intéresse en particulier à la manière dont cette nouvelle configuration de relations participe à l’élaboration de « catégories stigmatiques » à l’égard des déplacés et à la manière dont elle engendre une séparation sociale entre les groupes d’acteurs qui reflètent les ressorts des nouveaux rapports de pouvoir dans la nouvelle hiérarchie de la survie et traduisent la condition sociale « liminale » des déplacés. Dans ce panorama, les identités sociales des déplacés se fragmentent, de nouveaux mécanismes d’identification leur sont imposés et des recompositions sociales, qui sont défavorables aux déplacés, naissent de la confrontation des logiques informelles et institutionnelles d’organisation de la survie. Enfin, la recherche invite à dépasser la vision classique « humanitaire » et politique qui conçoit la survie des personnes déplacées suite à une catastrophe dans une perspective matérialiste de l’aide. Il s’agit donc d’adopter une approche « humaniste » qui permette de préserver la dignité des personnes et de garantir leurs droits, bien au-delà de la satisfaction des besoins matériels.
Le jury composé de :
- M. Yorghos REMVIKOS, Professeur, Université Paris-Saclay, FRANCE - Directeur de these
- M. Omer CHOUINARD, Professeur émérite, CANADA - Rapporteur
- Mme Luisa Fernanda SANCHEZ, Professeure - Rapporteure
- Mme Flor Edilma OSORIO, Professeure émérite - Examinateure
- M. Jean-Paul VANDERLINDEN, Professeur, Université Paris-Saclay, FRANCE - Examinateur
« Consequences of temporary displacement associated with disasters: from the fragmentation of social identities to the production of a liminal social condition. Case study of the experience of displacement of the inhabitants of Campo de la Cruz following the 2010-2011 Ola Invernal in Colombia »
Keywords: disaster-displacement; liminality; social identities; social representations; stigmatization
Abstract: Every year millions of people around the world are internally displaced as a result of so-called « natural » disasters. Often considered as short-term and short-distance migrations involving the return of populations, dominant academic and political analysis focus their attention on material factors associated with survival of the displaced. They pay little attention to the way in which these movements impact the social life of the people concerned during the displacement. This research proposes studying this phenomenon from a different angle. It questions how temporary displacement impacts social interactions, relations and positions and how this affects the experience of displacement. Using a constructivist approach of Grounded Theory, this research takes as a starting point a sociological perspective of social identities to examine the concrete experience of displacement of the population of the Campo de la Cruz village in Colombia, affected by a massive flooding in 2010. The analysis shows that displacement, in a short[1]term configuration, is a process that involves an alteration of social identities of the new « displaced ». The flood not only destroys material assets but also together with displacement, causes the fragmentation of social roles and positions within their groups of reference. The newly displaced populations arrive in the destination territories in the greatest material and social deprivation, which forces them to be inserted into a system of dependence on aid for survival. In this context, new interactions emerge between aid and assistance organizations, the displaced and the residents of the reception areas. This research focuses in particular on the way in which this new configuration of relations participates in the construction of « stigmatic categories » with regard to the displaced populations. It points out how this configuration generates social separation between groups that reflects the nature of power relationships and a « liminal » social condition. In this panorama, the social identities of the displaced are fragmented, new identification mechanisms are imposed to them and social recompositions arise. Finally, the research calls to overcome the classic « humanitarian » and political vision which conceives the survival of people displaced by a disaster through a materialist perspective. Instead, this study urges for the adoption of a « humanist » approach that protects human dignity and guarantee human rights, far beyond the satisfaction of basic material needs.